jeudi 15 février 2007

Argumentaire de la FSSPX

1. Les sacres de 1988

- L’état de nécessité
La Fraternité Saint Pie X justifie les sacres de 1988 en invoquant l'état de nécessité. Mais qu’est-ce que l’état de nécessité ?
Lorsque l'extrême ou quasi extrême nécessité spirituelle de l'individu (danger de mort) ou la grave nécessité spirituelle d'un grand nombre (par exemple la diffusion incontestée d'une hérésie) le requièrent, et que le secours des Pasteurs ordinaires manque, toutes les limitations posées par le droit ecclésiastique tombent, et tout ministre de Dieu (prêtre ou Évêque) a le devoir de faire, donc légalement, même « sans l'autorisation nécessaire », tout ce qu'il peut validement faire par droit divin en vertu de son pouvoir d'ordre. S'il ne le faisait pas, il pécherait mortellement, parce que le droit divin naturel et positif oblige à secourir, chaque fois que c'est possible, toute personne en état de grave nécessité.
A cet argument, le cardinal Castrillon-Hoyos, préfet de la Congrégation du Clergé et président de la commission Ecclesia Dei, rappelle que les « états de nécessité » invoqués par la Fraternité pour justifier les ordinations de 1988 sont toujours soumis au jugement du pape et ne peuvent être invoqués contre celui-ci ou en dehors de lui. Cette déclaration rejoint la mise au point faite par le Conseil Pontifical pour l'Interprétation des Textes Législatifs le 31 octobre 1996 : « Quant à l'état de nécessité dans lequel se serait trouvé M. Lefebvre, il faut se rappeler qu'un tel état doit exister objectivement et que la nécessité d'ordonner des évêques contre la volonté du Pontife romain, Chef du Collège des évêques, ne se présente jamais. Car cela signifierait qu'il est possible de "servir" l'Eglise tout en portant atteinte à son unité en matière étroitement liée aux fondements mêmes de cette unité. D'après le numéro 5c du Motu proprio, l'excommunication latae sententiae (= encourue automatiquement) frappe ceux qui "adhèrent formellement" à ce mouvement schismatique. […] Il est clair que pour pouvoir parler d'adhésion formelle au mouvement, il ne suffit pas qu'il y ait participation occasionnelle à des célébrations liturgiques ou à des activités du mouvement lefebvrien si l'on ne fait pas sienne l'attitude de désunion doctrinale et disciplinaire de ce mouvement. »
- Une mission divine confiée à la FSSPX
Un autre argument pour justifier les sacres de 1988 est la mission divine qu’aurait reçue la FSSPX. Ainsi, Mgr Tissier de Mallerais confiait à Rivarol en 2002 à propos des sacres de 1988: « Mgr Lefebvre a été conduit, a été inspiré. Nous avons eu la grâce de le suivre ». D’après l’abbé Aulagnier dans son livre La Tradition sans peur, la FSSPX est « le roc sur lequel s'édifie l'avenir de l'Eglise ». Elle est d’après Mgr Fellay « l'Œuvre à laquelle Dieu va confier l'Arche d'Alliance du Nouveau Testament » (déclaration lors du VIIe Congrès théologique organisé à Paris le 7 janvier 2007, par la revue Si si No no, l'Institut Universitaire Saint-Pie X et DICI).

2 Points de désaccord doctrinaux
La FSSPX rejette les éléments suivants du concile de Vatican II, considérés comme « irréconciliables avec la Tradition » (interview de Mgr Fellay à Nice Matin, 11 déc. 2006):
- la liberté religieuse qui selon la FSSPX s'opposerait à la doctrine de la royauté sociale du Christ,
- la collégialité qui diluerait et lierait l'autorité pontificale en accordant trop de pouvoir aux conférences épiscopales,
- l'œcuménisme et ce qui serait son corollaire, l'abandon du prosélytisme ou de la mission.
Cette pratique de la Fraternité Saint Pie X qui consiste à trier le Magistère s’apparente au comportement des gallicans et des jansénistes hérétiques. Dans son principe, on peut s’interroger sur la viabilité d’une telle attitude car s’il est possible aujourd’hui de rejeter en bloc ce qui est exposé dans un concile ou des encycliques, à moins de nier la légitimité de leurs auteurs, il est alors possible de le faire avec tous les textes du magistère publiés depuis 2000 ans. Dans ces conditions quelle est la valeur et la portée d’un tel Magistère si chaque catholique se fait juge de sa catholicité ?
D’autre part, même si Mgr Lefebvre a vivement critiqué certains textes du Concile, il les a tous signés. Comment aurait-il pu le faire s’il les avait jugés formellement hérétiques ?
Malgré cela, la FSSPX rejette aujourd’hui les trois éléments du Concile énoncés plus haut (liberté religieuse, collégialité et œcuménisme). Face à cette attitude, on peut avancer les objections suivantes :
a. la FSSPX n’est pas infaillible, et des études très sérieuses ont montré que les points essentiels de Vatican II enseignés avec autorité ne présentent pas de contradictions formelles avec la doctrine traditionnelle infaillible (sur la liberté religieuse, lire notamment Le développement de la doctrine catholique sur la liberté religieuse, Brian W. Harrison, O.S.; La Liberté religieuse et la Tradition catholique, Fr. Basile, O.S.B., etc…)
b. Vatican II, concile œcuménique, n’est pas un ensemble monolithique qu’il faudrait accepter ou refuser en bloc mais un vaste ensemble de textes comportant des parties de divers degrés d’autorité. Son contenu peut donc être discuté, voire critiqué sur certains points (c’est précisément ce droit à une « critique constructive » que le pape a souligné lors de la création de l’Institut du Bon Pasteur en 2006). Mais il faut s ‘efforcer, comme Benoît XVI l’a dit dans son discours au cardinaux le 22 déc. 2005, de l’interpréter dans le sens de la continuité avec la Tradition et non de la rupture, car l’Eglise ne peut jamais se contredire dans son Magistère.
c. Même en supposant que Vatican II n’a pas engagé l’infaillibilité selon le mode extraordinaire (ce que réfutent de nombreux théologiens qui affirment au contraire que certains textes sont couverts par l’infaillibilité), l’enseignement du Magistère ordinaire ne peut être refusé par un fidèle à sa libre volonté, comme le dit Pie XII : « L'on ne doit pas penser que ce qui est proposé dans les lettres Encycliques n'exige pas de soi l'assentiment, sous le prétexte que les Papes n'y exerceraient pas le pouvoir suprême de leur magistère. C'est bien, en effet, du magistère ordinaire que relève cet enseignement et pour ce magistère vaut aussi la parole : "Qui vous écoute, m'écoute... ", et le plus souvent ce qui est proposé et imposé dans les Encycliques appartient depuis longtemps d'ailleurs à la doctrine catholique.» (Pie XII, Humani Generis)

3 Justification de la désobéissance par la FSSPX
La FSSPX qui a sacré des évêques contre la volonté du pape, ouvert des prieurés, des chapelles, des écoles sans l'autorisation de l'ordinaire, distribué les sacrements de mariage et de confession sans accord du curé de paroisse ni de l'évêque diocésain justifie cette attitude de désobéissance en citant l’exemple de saint Athanase qui se serait opposé au pape Libère, lequel aurait apporté sa signature à une formule hérétique arienne. En admettant que le pape l’ait fait, ce qui n’est pas attesté formellement, la signature donnée à une formule de foi par un pape « déprimé par un long exil » (saint Jérôme) et même « sous des menaces de mort » (saint Athanase) ressemble aussi peu que possible à une définition ex cathedra. Il est donc douteux de dire que l’infaillibilité du pape était en jeu à cet instant. D’autre part, saint Athanase a obéi au pape lorsque celui-ci lui ordonna le silence et l’exil à Trèves. Il était sanctionné, mais soumis à l’autorité du pape, contrairement à Mgr Lefebvre au moment des sacres de 1988.